Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/116

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croire qu’il fêtait la Saint-Napoléon. — Né de parents cultivateurs, il vint faire son droit à Paris, et en juillet 1830, il se battit sur les barricades et contribua à la prise de la caserne de Babylone. — Il n’est peut-être pas déplacé de faire remarquer en passant que presque tous nos hommes politiques conservateurs, qui n’ont d’ailleurs rien conservé de leur première manière de voir, ont commencé par se battre comme des chiffonniers pour renverser Charles X, ce qui tendrait à prouver, ou peu s’en faut, que les gens qui ont fait une révolution pour obtenir ce qui leur manquait, prétendent à tort que les autres ne doivent pas en faire une seconde pour revendiquer à leur tour ce qu’ils désirent. C’est comme si un monsieur qui est entré s’abriter quelque part, parce qu’il se trouvait mal dehors, disait à ceux qui le suivent : Maintenant que je suis dedans, je ne veux plus qu’on ouvre la porte ; ça me ferait arriver de l’air dans le cou. Nous ne nous dissimulons pas que ce raisonnement nous conduit tout droit à approuver ce mot célèbre : l’insurrection est le plus saint des devoirs ; mais nous ne voyons aucun inconvénient à admettre en principe que les peuples sur le dos desquels on s’entête à mettre un tas de harnais plus ou moins gênants, ont bien le droit de se secouer de temps en temps pour s’en débarrasser. — Reçu avocat, M. Grévy se fit bientôt remarquer au barreau de Paris dans plusieurs causes où il défendit les écrivains du parti radical, et plaida dans le procès du 13 mai pour deux compagnons de Barbès. — En 1848, M. Grévy, que ses opinions avancées désignaient comme l’un des défenseurs de la République, fut nommé commissaire du gouvernement provisoire dans son département. Il s’y distingua par l’excessive modération qui est la vertu des gens que leur tempérament porte bien un peu à faire des omelettes, mais beaucoup plus à ne pas casser d’œufs. — Il poussa la prudence jusqu’à ses dernières limites et, presqu’à l’unanimité des suffrages, il fut envoyé à l’Assemblée constituante par le Jura. Ce triomphe suffit à donner la mesure du radicalisme de M. Grévy ; un homme qui a le talent de contenter tout le monde et son père, peut être un ange de mansuétude ; mais, comme il n’est pas admissible que l’on puisse donner à la fois satisfaction à 65 000 électeurs, dont une moitié veut la république et l’autre la monarchie, on est forcé de supposer que M. Grévy n’avait pas positivement à cette époque l’aspect ni la réputation d’un irréconciliable. — Toujours, grâce à cette attitude du juste-milieu qui distingue les républicains platoniques, M. Grévy fut choisi par l’Assemblée comme vice-président. — Il monta souvent à la tribune pour y défendre les opinions démocratiques ; mais, quoiqu’il votât généralement avec la gauche, il se tint toujours loin du parti socialiste. C’était son droit de le faire, comme c’est le nôtre de le dire, afin que nos lecteurs n’accordent à M. Grévy ni plus ni moins d’admiration qu’il n’en mérite. — M. Grévy s’est surtout signalé à propos de la question de la présidence. Il s’opposa de toutes ses forces à ce que l’on ressuscitât de fait la monarchie constitutionnelle,