Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/20

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de son mari, des doutes se sont élevés sur la légitimité de sa naissance. — De mauvaises langues accusèrent la duchesse d’avoir simulé une grossesse au moyen d’un faux ventre en caoutchouc, dans lequel elle soufflait un peu chaque matin. — Hâtons-nous d’ajouter que cela n’a jamais été bien prouvé, ni le contraire non plus d’ailleurs. — La chose est-elle sûre ? peu nous importe en somme. Contentons-nous de ce qu’elle est possible pour penser qu’elle est probable et arriver ainsi à nous persuader qu’elle est vraie ; avec les familles royales, la justice avant tout.

En apprenant la venue inespérée d’un rejeton mâle de la maison de Bourbon, les légitimistes eurent des accès de joie folle ; le faubourg Saint-Germain retentit de cris de fête et dans leur ivresse, trois marquises de 88 ans la pièce, allèrent le soir frapper à la porte de leurs maris ; l’incident n’eut pas de suite. — D’un commun accord, on surnomma le nouveau-né : l’Enfant du miracle, ce qui ne pouvait pas lui faire de mal ; et on le baptisa avec de l’eau du Jourdain rapportée de terre sainte par M. de Châteaubriand, ce qui le fit piailler aussi fort, quand on la lui versa sur le nez, que si elle avait été prise à une borne-fontaine de la rue du Bac ; et prouve, au grand désespoir des abonnés de l’Union, que toutes les eaux sont excellentes pour baptiser, même celles qui ne vaudraient rien pour faire cuire les légumes. — Nous n’étonnerons personne en disant que l’éducation du jeune prince ne fut pas confiée au citoyen Delescluze ; il eut tour à tour pour précepteurs M. Mathieu de Montmorency, un brave homme de jésuite qui n’aurait pas pris une prise de tabac sans faire le signe de la croix avec ; M. de Rivière, et enfin M. de Damas, traître et émigré des plus distingués, qui avait gagné 63 décorations étrangères à combattre contre son pays. — On devine aisément qu’une telle éducation ne devait pas amener tout de go l’enfant du miracle à collaborer au Rappel. Aussi, à la chute de Charles X, son grand-père, celui-ci essaya-t-il en vain d’abdiquer en sa faveur ; les Parisiens ne voulurent pas comprendre l’absolue nécessité pour eux de remplacer un vieux roi, qui avait essayé de museler la presse, par un jeune qui ne manquerait pas de s’asseoir dessus. — À la suite de la révolution de 1830, le duc de Bordeaux dut, avec sa famille, prendre le chemin de l’exil ; il voyagea pour compléter son éducation et séjourna quelque temps à Rome où, naturellement, il fut traité en souverain ; cette petite douceur lui fit prendre patience. — Le 28 juillet 1841, il fit une chute de cheval très-malheureuse, mais qui eut pour résultat de mettre en sûreté l’existence de tous les enfants qu’il aurait pu avoir depuis. — Il guérit de cet accident ; seule, sa femme ne devait jamais s’en consoler. — Cinq ans plus tard, le 16 novembre 1846, il épousa, sans la prévenir, Marie-Thérèse-