Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/53

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sa couronne de Dieu seul. — Cette déclaration de droit divin, dont la conséquence était d’assimiler la nation prussienne à un vaste troupeau d’oies, ne fut pas du goût de la chambre des députés, qui trouva l’occasion de faire sentir sa mauvaise humeur au roi en votant toutes sortes de choses qu’elle savait lui être désagréables ; mais Guillaume résista et appela à son aide, comme président du conseil, M. de Bismark, chez lequel il avait remarqué une rare aptitude à fourrer dans sa poche les principes d’honnêteté qui pouvaient le gêner. — M. de Bismark eut bientôt déblayé le terrain ; quand les députés ne votaient pas les lois proposées par lui, il les congédiait et ne les rappelait que lorsque ces lois étaient exécutées. — Ce procédé dura jusqu’en 1863 et fut couronné, le 1er juin de la même année, par une ordonnance supprimant la liberté de la presse.

Nos lecteurs s’étonneront, sans doute, qu’avec un système comme celui-là, Guillaume n’ait pas les quatre fers en l’air depuis au moins une dixaine d’années ; le fait est facile à expliquer : les nombreuses diversions belliqueuses qu’il a toujours su opérer à temps et qui ont été couronnées d’un plein succès, ont eu jusqu’ici raison des aspirations démocratiques de la Prusse. Nous sommes malheureusement ainsi bâtis : nous revendiquons des libertés, on nous donne une victoire ; et comme de bons imbéciles, nous nous amusons pendant cinq ans encore avec cet os-là. Si, en août 1870, Napoléon nous avait conduits à Berlin, nous nous prosternerions aujourd’hui sous les casse-têtes de ses gardes-chiourmes et le Figaro serait encore en pleine splendeur en rendant compte des jeudis et des épaules de la régente Benoiton. — À la suite de la guerre de France (1870-71) (voir le Trombinoscope, cage Bismark), Guillaume fut élu empereur d’Allemagne ; nous ne croyons pas que ça tienne chaud à son peuple pendant bien longtemps. — Il a épousé en 1829, Marie-Louise-Augusta, princesse de Saxe-Weimar, qui lui a donné deux enfants nés avec chacun une envie de pendule sur la fesse gauche. — Cette union a été heureuse ; après quarante-deux ans de ménage, Guillaume envoyait encore à son Augusta des télégrammes amoureux dans ce style : « Moumoute adorée… Grande victoire !… prise de Nancy !… notre Fritz a exécuté un magnifique mouvement tournant qui a fait tomber en notre pouvoir tous ceux à sonnerie des horlogers de la ville. Mille baisers sur trous en rubis. — Ton Guigui. »

Au physique, l’empereur d’Allemagne n’est ni beau ni laid ; il a la physionomie vulgaire, mais sa tournure est très-commune. Il est chauve et n’a conservé qu’un cheveu ; encore est-il pour Augusta ; le soir, la reine en pince l’extrémité entre ses dents et, avec ses ongles effilés, joue dessus, pour bercer son roi, la valse de Freychutz. — Guillaume a l’air d’un vieux caporal tailleur retraité. Même avec la couronne et le manteau impérial, pas moyen de le prendre pour un empereur ; mais s’il avait un bras de moins, une tunique verte, un chapeau à cornes et un jonc à pomme d’ivoire, on n’éprouverait aucune difficulté à le