plus combien sont infaillibles les desseins profonds des empereurs et des préfets de la Seine.
Voici le résumé des travaux de M. Haussmann : Il a percé plus de trente lieues de rues rien que dans Paris ; mais ce qu’il a fait de trous à la lune est incalculable. Il a créé 200 lieues de trottoirs, il n’y pouvait pas suffire : les mœurs impériales les garnissaient au fur et à mesure. Il a planté 100 000 arbres, placé 300 lieues de conduites d’eau et 20 000 becs de gaz (ceux qui étaient autour de ses comptes il ne les allumait jamais). Enfin il a voûté 150 lieues d’égouts, sans compter celui qu’il n’a cessé de nous inspirer et qui était le plus profond. Un de ses triomphes a été le percement du boulevard de Strasbourg, fait tout exprès pour l’arrivée de la reine d’Angleterre à Paris. La reine Victoria le suivit dans toute sa longueur sans toucher les maisons : il était très-large ; il fallait ça. Dans sa biographie de M. Haussmann, Louis Ulbach raconte qu’à l’inauguration de ce boulevard, le préfet de la Seine, complimenté de ce chef-d’œuvre, « fléchit le genou et baisa la main auguste. » En se relevant, dit Ferragus, il avait gagné un crachat. Nous nous permettrons d’ajouter : et un babouin.
Tant de travaux n’avaient pu s’exécuter avec 23 francs 75 ; aussi M. Haussmann avait-il dû se créer des ressources. Ses rapports sur la situation financière de Paris finirent par sembler d’une clarté si aveuglante, que les journaux de l’opposition lui montèrent une véritable scie à la suite de laquelle la cour des comptes se décida à éplucher ses livres ; elle le fit avec toute la discrétion dont est capable un expert teneur de livres qui partage les bénéfices avec le caissier dont il vérifie les comptes, et ne signala dans ceux du préfet de la Seine que des « irregularités. » La cour des comptes est composée de gens très-polis. — Le résultat de l’enquête fut d’autoriser M. Haussmann à emprunter 260 nouveaux millions ; il eut, comme tout le monde, vingt-quatre heures pour maudire ses juges, il en profita pour les bénir… et en rire comme un bossu.
M. Haussmann a été promu grand-officier de la Légion-d’Honneur le 17 juin 1856 et grand’croix le 8 septembre 1862, il entra au Sénat en 1857 ; ainsi fut convaincu d’imbécilité l’auteur dramatique Ponsard qui ne croyait pas aux bienfaits de la maçonnerie et avait écrit ce vers célèbre :