Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment impérial qui fut poursuivie, et enfin, en 1868, une brochure indignée, intitulée : Qu’a-t-on fait de la France ?… Cet acharnement du représentant d’une dynastie à débiner les produits d’une autre, ne produisit pas sur le public tout l’effet que le duc d’Aumale en attendait.

Beaucoup de gens, qui prennent les choses par le bon bout, se plurent à comparer ces éreintements à ceux d’un pick-poket, s’efforçant de prouver que son confrère ne sait pas travailler et que ce n’est pas de cette façon là qu’on fait proprement un foulard. Le fait est qu’il est difficile d’entendre un d’Orléans reprocher à un Bonaparte d’avoir perdu son pays, sans penser qu’il manque un sous-titre à la brochure, par exemple celui-ci :

QU’AVEZ-VOUS FAIT DE LA FRANCE ?…
ou
NOUS AURIONS BIEN FAIT ÇA NOUS MÊMES !…

Après les désastreux événements de 1870, le duc d’Aumale revint en France et fut, en même temps que le prince de Joinville, nommé député à l’Assemblée nationale. À partir de ce moment, son attitude devint réellement princière et rappela les beaux jours de 1848, où le futur héros de Sedan entrait furtivement à l’Assemblée comme un voleur qui pénètre à la brune dans une maison pour s’y cacher à la cave en attendant minuit. — Afin d’obtenir la validation de son élection, le duc d’Aumale s’engagea a ne pas siéger. M. Thiers qui est l’homme de ces situations franches dans lesquelles personne ne voit clair, prêta la main à cet arrangement dont la stupidité n’échapperait même pas à un abonné du Constitutionnel. Un représentant qui s’engage à ne rien représenter !… on aurait en effet beaucoup de peine à trouver l’équivalent d’une jocrisserie pareille. À peine un auteur dramatique offrant une pièce à un directeur à la condition qu’elle ne sera pas jouée, pourrait-il donner une faible idée de cette combinaison politique d’une finesse si insaisissable que ceux-mêmes qui l’ont conçue se demandent où diable ils veulent en venir. La parole d’honneur (??), donnée par le duc d’Aumale de ne pas prendre part aux travaux de l’Assemblée, ne tarda pas à lui être aussi lourde sur l’estomac qu’un plat de haricots mal cuits, il s’en dégagea d’un cœur léger et vint en décembre 1871 prendre place à son banc. Là, il inaugura une nouvelle façon de remplir le mandat de député : il assista aux séances dont le menu lui plaisait, se promenant dans les couloirs et à la buvette quand les sujets traités ne l’intéressaient pas ou l’intéressaient trop ; toujours absent au moment des votes, il reçut le nom de duc d’Aumale de Nivelle. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il en est à cette phase aigüe de la fausse indifférence qui chez les princes à placer précède ordinairement les crises qui les guérissent et mettent leur pays au lit pendant dix-huit ans. Un point reste obscur dans la conduite du duc d’Aumale : Pour qui tient-il les cartes ? Les