Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/96

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tout entier à des études littéraires et se fit faire un grand casier à compartiments pour y ranger, par ordre alphabétique, les scènes qu’il commentait à grands coups de ciseaux dans les vieux auteurs oubliés, Il écrivit quelques articles dans les petits journaux ; la postérité n’a pas jugé à propos de conserver ces articles pensant probablement qu’elle en retrouverait les originaux dans les vieilles collections de la bibliothèque si un jour elle en avait besoin ; — Le 1er avril 1854, jour ordinairement consacré aux mystifications, il fit représenter à l’Odéon la Taverne des étudiants, la pièce obtint une chute dont le rideau du théâtre eut beaucoup de peine à se relever le lendemain. Nous n’énumérerons pas ici les nombreuses œuvres que M. Sardou a données au Palais-Royal, au Gymnase, au Vaudeville, et au théâtre Déjazet, la recherche de la paternité étant interdite par la loi. Nous nous bornerons à citer Nos Intimes, les Pattes de Mouches, la Famille Benoiton, Maison-Neuve, Patrie, les Pommes du Voisin, Fernande, Nos Bons Villageois, etc…, etc… Toutes ces œuvres, dès leur apparition, furent l’objet de critiques assez aigres. Chaque fois que M. Sardou faisait représenter une pièce, tous les auteurs dramatiques morts depuis Philippe-le-Bel se précipitaient pour reconnaître leurs frusques, comme on se précipite aux ventes des objets déposés au greffe pour tâcher de retrouver ceux qui vous ont été volés.

On peut se rendre compte, par là, du procédé littéraire de M. Sardou, lequel procédé me rappelle un ressemeleur de vieux souliers que j’ai bien aimé. — À ce remarquable talent, qui a fait de M. Sardou un noteur dramatique de premier ordre, vient s’ajouter une flexibilité de conscience qui ferait monter le rouge au visage de certains individus, et qui chez certains autres ne le fait monter qu’à la boutonnière de leur habit. C’est ainsi que M. Sardou a fait représenter en 1862 une pièce intitulée : les Ganaches, et a reçu quelques mois après l’ordre impérial de la Légion d’honneur. Dans cette pièce, le consciencieux artiste avait esquissé tous les types de ganaches connus : la ganache noble, la ganache bourgeoise, la ganache de café, etc., etc…, la galerie était complète ; mais grâce à un de ces oublis qui ne peuvent être commis que par un étourdi ou un ambitieux, la ganache militaire était totalement absente, et dans une collection de ganaches, il n’est pas plus permis d’oublier la ganache militaire, un des plus beaux types du genre, qu’il ne serait excusable d’oublier de remuer les jambes en marchant. — M. Sardou préludait à Rabagas en mettant déjà son talent à la discrétion de ceux qui tenaient le casse-tête. — Lorsqu’éclata le 4 septembre, M. Sardou fut aperçu se mêlant à une colonne d’émeutiers qui se dirigeait vers les Tuileries. Ce qu’allait faire M. Sardou aux Tuileries ce jour-là n’a jamais été établi d’une façon bien claire. Dans une lettre qu’il a publiée depuis, M. Sardou a prétendu que son but était d’empêcher le massacre des serviteurs du palais ; M. Sardou avait l’instinct de la conservation. Les deux dernières œuvres de M. Sardou sont le Roi Carotte, gruerie en