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LES OPINIONS DE BÉHANZIGUE


Ariste-Martial, baron de Béhant, plus connu dans le Tout-Paname sous le sobriquet de Béhanzigue, aspira comme un long breuvage l’air de la liberté. Ce n’est pas que la prison où il venait de passer quelques semaines pour vagabondage fût beaucoup inconfortable ; mais ça manquait d’espace. Aujourd’hui, c’était la rue qui sonnait sous ses pas, la rue large et presque déserte, ouverte sur le hasard, tandis que souriait, tout autour de lui, comme un visage d’enfant, le matin blond, bleu et rose.

Il venait, à la sortie, de toucher quelque argent, et se jugeait en outre assez élégamment vêtu. Le fait est qu’il avait fallu, à la prison, le rhabiller de pied en cap, vu l’état où il s’y était présenté. Il portait aujourd’hui un complet gris de fer, des souliers si larges du bout qu’un cordonnier américain les aurait vendus au poids de l’or, une casquette à losanges héliotrope, et une chemise de nuit brodée en rouge. Mais il se rappela soudain qu’on n’y avait pas joint de cravate et se mit en quête d’un chemisier sur les boulevards, où ses pas