Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/123

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— Vous avez donc, Lœtitia, voyagé avec le prince de Monaco pour être si instruite des mœurs des poissons ?

— Les moules ne sont pas des poissons, répond la jeune femme. Et elle ajoute d’un air profond : Les vraies moules, c’est les hommes.

Car elle a accoutumé de s’exprimer avec franchise. Cependant, incrustée à son tour contre la vitrine en question, elle admire des marrons sculptés et habillés de plumes de paon, de coquillages, de peau de gants. Il y avait autrefois, dans l’Ile d’Oléron, de vieilles demoiselles qui faisaient des petits ouvrages comme ça : il y en a peut-être encore.

— Et puis zut ! ajoute-t-elle, en voilà assez pour aujourd’hui. Si on partirait ?

On part. Dehors il fait toujours dimanche : pas un dimanche de Béarn, bien sûr ; mais enfin, pour Paris, ce pâle soleil, c’est déjà quelque chose. Sur le boulevard, des bourgeois bien vêtus attendent une manifestation prévue. Mais le baromètre s’est trompé. Seuls quelques étudiants en bérets de velours, probablement payés par le préfet de police pour distraire la population, passent en braillant quelque chose en l’honneur de quelque liberté obligatoire.

— Ils ne sont pas jolis, observe Lœtitia. Et quelle idée d’être levés à cette heure-ci, moi, je tombe de sommeil. Je ne sais pas ce qui me retient de me coucher sur le trottoir.

— Ah non, s’écrie le vieux Monsieur ; ne faites pas ça : on nous remarquerait. Et il vaut mieux prendre une petite taxi locomotrice.