Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/156

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L’OMBRE DE L’HEURE

Ô vicomte, dit Béhanzigue, je suis né dans l’après-midi d’un beau dimanche fait de chaleur et d’immobilité. L’ombre de l’heure était semblable au revers obscur et vert de ce papillon qui hante la tombe des Empereurs d’Annam, et que, lorsqu’il se retourne, on pense fait de flamme et d’or. Il coûte très cher.

— Ça, c’est rigolo, fit Lœtitia : Béhanzigue, marchand de papillons,

En se faisant la barbe, S’est coupé le menton…

—Tout le monde, petite gaufre, est marchand de papillons ; mais la plupart n’en vendent que de rebut, tels, et blancs, ceux qui sont, au jardin de ton père, nés de la fleur des choux…

— Genoux et pous.

—… Et que l’un et l’autre, dans l’air, on voit dessiner d’invisibles dentelles.

— Moi, reprit Fô, j’ai vu le jour à Yunnamsen…

— Ah, que la vie donc est éparse. De loin il me semble vous voir honorant l’autel des Ancêtres, aux grimaces d’or ; ou bien dans le jardin, vous aussi de M. votre père, où les dindes ont l’air de paons, l’horizon d’un éventail, et les arbres d’avoir la goutte. Dans l’étang, aux galets versicolores, où