Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/155

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ce moment, la soubrette revient en courant, ouvre la porte et me pousse en dehors en me mettant dix francs dans la main — oui, ma chère, en or ; et de ce coup-là, je suis resté sec.

— Menteur ! fais-les voir.

— Voilà, j’ai envie d’aller les jouer.

— Je vous le conseille, dit la blonde. Car si de l’argent comme ça ne porte pus bonheur, c’est à ne plus croire à rien. Et si vous gagnez un matelas, vous m’offrirez quelque chose dont je meurs d’envie : c’est un éventail de Leone Georges, celui où il y a deux chevaux qui ont l’air de se cabrer en musique.

— Tiens, moi, fit Béhanzigue, j’aurais préféré le miroir à main où il y a, contre un hermès, une dame en paniers, assise toute seule, et qui garde sur son visage le pli d’un plaisir déjà dissipé. C’est tout petit, tout petit, avec grand comme ça de paysage ; mais j’y ai cru respirer un instant une de ces belles soirées qui sentent le tilleul et la prairie.

— C’est joli ça, tu me l’écriras, dis ?

— Je te l’écrirai.

Et Béhanzigue monta jouer. Mais il ne gagna pas, et la dame n’eut pas l’éventail de Leone Georges