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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/172

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la revendre à votre guise. Moi, qui ne suis pas un de ces explorateurs barbares…, je me contente de la faire boire un peu. Dans la chambre rouge de feu, elle babille, et me conte des choses incompréhensibles.

Le lendemain, pour secouer ce glacial jour de l’An, je fais un tour dans Biarritz, en attendant l’heure du départ. Il a neigé pendant la nuit. La ville est déserte, sonore et blanche : au bout d’une rue, j’aperçois la mer couleur d’étain, et toute plate sous le ciel fauve.

Histoire de Prahly, d’un dentiste qui était beau comme le jour et du cygne sur l’étang. — Par un après-midi d’automne, aussi doux qu’une prune qui laisse couler son âme de sucre, nous étions, Prahly et moi, assis dans un jardin.

Un rideau d’aimables feuillages cachait les combles et les murs des maisons prochaines, et, plus près de nous, il y avait un étang rouillé, qui frissonnait sous la nage d’un cygne éclatant et solitaire.

— Les cygnes, lui dis-je, sont des bêtes admirables. Regarde l’attache des ailes, son col de serpent, et cet œil noir et mauvais de dame de cour.

— Nous venons, répondit-elle, de passer devant chez mon dentiste, M. Z… Il est tout jeune ; mais si tu le voyais, c’est le plus beau garçon du monde.

— Et rien n’est plus vigoureux qu’un cygne, à masse égale. C’est l’énergie même soit qu’il nage, soit qu’il aime mieux prendre son vol à travers l’hiver.