Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/19

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Mais il y a une chose que Gustave-Alphonse fait mieux que les vers, et qu’il aime à faire, comme tout ce qu’on fait bien : c’est la mayonnaise. Au moindre prétexte, il en fait une, et cela par les journées les plus chaudes. Tel Monsieur Ingres avait son violon, hélas, et Rodin sa plume. L’été, après sa sieste qu’il pousse jusqu’après cinq heures, Gustave traverse la rue en pantoufles, et s’en va prendre (car cette histoire est d’avant la Grande Guerre) son absinthe chez le père Manive au Zanzi des Cœurs Là, entre deux vertes, on cause. Il y a un bout de terrasse, et, comme la rue descend, on voit des arbres au loin, dans le bas, de pauvres arbres pâles qui auraient besoin d’aller à la campagne.

— Là ousqu’elle est donc, la Papin, lui demande le poteau Alexy, dit Courte-Lingue, dit la Semeuse.

— Au turbin, qu’elle est, dit Gustave, qui en prose s’exprime comme tout le monde. Penses-tu qu’elle gagne sa vie en faisant la quête dans les maisons ?

— Pas la quête, mais presque, et ça lui rapporte gros, de ce temps-ci ?

— Gros comme moi, toujours. J’en veux pas plus, ni plus mince non plus. Autrement, c’est atout, et atout.

Et il fait voir ses blanches mains, suspendues au bout de poignets minces. Mais Gustave-Alphonse se vante. Il est bien trop paresseux pour battre Mlle de Papin autant qu’il ait. II l’aime trop aussi pour cela — ou pas assez. Et puis il ne voudrait pas la fêler.