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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/37

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— Le français et la danse, répondit M. de Béhant. Il y en avait une, surtout, de mon invention, — Kentucki Pavane, ça s’appelait, — et qui n’était pas piquée des cancouanes.

— C’était-y quelque chose comme le cake-walk ? demanda Mme Chantepouille. Par déférence sans doute pour l’érudition de son hôte, elle affectait de prononcer à l’anglaise : « cocouèque ».

— Le Kécouoque, articula l’ancien professeur… Non, pas du tout. D’ailleurs je vais vous faire l’explique.

Et, quittant la table où il déjeunait avec M. et Mme Chantepouille, il commença d’exécuter, en accompagnant de sifflements aigus un pas bizarre, dont le caractère essentiel paraissait être de tournoyer, tout en s’envoyant le pied droit puis le pied gauche, tour à tour et respectivement dans l’œil gauche puis dans l’œil droit. Exécuté par des demoiselles de famille, ce pas devait présenter quelque chose d’imprévu — et leur troupe décente y prêter on ne sait quelle grâce. Le pédagogue lui-même n’y manquait pas d’agrément. Son gilet ouvert laissait déborder un ventre majestueux : son plastron vert et or, dénoué par la danse, éclatait, claquait, flottait autour de lui comme les pans d’un oriflamme chimérique ; comme la cornette même du régiment de ses aïeux, le Royal-Cravate. Et Béhanzigue, en levant l’une et l’autre jambe — Béhanzigue tournait… tournait.

Malheureusement la salle à manger de Chantepouille était étroite, en sorte qu’il entra tout à coup en contact avec une chaise qui servait de crédence aux assiettes où l’on avait mangé