Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/47

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— C’est joli ! disait Eulalie ; on dirait une fable…, comme les Sœurs vous en apprennent quand on est petite.

— Ah ! le vieux Florian… disait Béhanzigue, ému de sa naïveté et faisant danser, au bout de son pied, une pantoufle de tapisserie, qui, dans des temps plus heureux, avait uni en sautoir les étendards de France et de Russie.

— Madame Dophin, tu sais, disait Gustave-Alphonse — ces bottines jaunes à boutons noirs, qui sont un peu étroites pour moi, si elles allaient à M. Béhanzigue ?

— Merci mille fois, répondait le baron, en s’inclinant. Ça m’évitera au moins de marcher sur ma chrétienté.

Sur quoi Eulalie s’empressait, en disant :

— J’vas chercher les godasses ; et disparaissait avec un sourire. Car elle ne détestait ni Béhanzigue, ni de prêter son home à ces joutes intellectuelles.

Du reste elle recevait peu. L’une des plus fidèles et des meilleures pratiques de l’antiquaire, et qui la venait voir assez souvent, était un certain baron Polonya, russe malgré son nom, à ce qu’il disait, et fort amateur d’œuvres d’art et de curiosités.

Finfonce, qui se méfiait de lui, le soupçonnait, comme tous les étrangers, d’espionnage. Il ne le connaissait d’ailleurs pas, Mme Dophin ayant la précaution de l’écarter quand l’amateur venait à la maison pour parler d’affaires, et de s’enfermer avec lui dans l’arrière-boutique, qui servait aussi de chambre à coucher. Du reste, elle se faisait passer pour veuve auprès du Russe, ayant observé qu’avec les clients « ça faisait mieux ».