Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/56

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les tristesses de la vie, lui en prêta une : la moins neuve. Elle était un peu bien juste, mais pourquoi reprocher à un vêtement ce qu’on aimerait à louer chez des juges.

L’ébéniste était aussi de la cérémonie, et du coin de l’œil il guignait son obligé. À la sortie de l’église, il lui dit : « Tu es rien chouette là-dedans ». Et il expliqua à sa cavalière : « C’est ce pauvre Béhanzigue, qui n’avait pas de roupe. Alors j’ui en ai prêté une. Il faut bien s’entr’aider, pas ? »

Béhanzigue, cependant, souriait d’un sourire amer.

Quand on servit le saumon sauce verte, l’ébéniste lui cria : « Dis donc, ouvre l’œil de ne pas la tacher ! Je n’ai que celle-là et une neuve ». Béhanzigue s’attacha la serviette autour du cou : il avait l’air ainsi, d’un gros fruit qu’on aurait mis à rafraîchir. Un instant après, quelqu’un auprès de lui ayant renversé une bouteille, l’ébéniste poussa des cris d’orfèvre.

— C’est du litron, clama-t-il, y a rien qui tache comme ça. Je suis sûr que tu es éclaboussé ! »

Béhanzigue nia.

Après le dîner, un jeune pied-bot, qui était pianiste, se mit en mesure de faire danser les gens de la noce, et Béhanzigue avait déjà fait un choix parmi les dames, quand son bienfaiteur vint lui frapper sur l’épaule : « C’est pas que j’y tienne beaucoup, dit-il, mais tout de même, les coutures, tu sais : prends garde de les faire craquer. »

— Ecoute, eh ! riposta le doreur en grève, qui avait bu du rhum, tu commences à me courir avec ta pelure. Tiens, la v’là !