Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/58

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avec une voix de tête, lui criait : « Te gènes pas avec, mon gros ! Fais-la craquer, si ça te chante. » Béhanzigue remercia de nouveau. Entre deux figures de quadrille, on but ensemble ; et le marchand de vin, tout en tâtant ses basques, lui confia « Y a pas à dire, c’est une fameuse étoffe. Ne la ménage pas, surtout. Le drap, c’est comme le beau sexe : faut le fouler » Et il se mit à rire. Béhanzigue remercia et se remit à danser, mais avec humeur, le bistro le dégoûtait : il avait la peau verte, luisante, avec des reflets de rubis, comme une potiche du golfe Juan. Quand il riait, cela y faisait tant de petites rides noires qu’elle avait l’air de s’être soudain craquelée. Et il parlait à mi-voix, d’une voix en fer de lance, qui s’entendait dans la rue.

Un peu plus tard, il était en train do boire du vin chaud avec sa cavalière, lorsque le marchand de vin reparut, et, contemplant le baron Béhant, avec une satisfaction évidente : « Ah ! enfin ; s’écria-t-il, tu l’as donc tachée I Et ben, je sui plus content comme ça. C’est possible que j’aie le ciboulot en cor de chasse, mais ça me fait plaisir à moi que tu fasse pas de magnes avec les aminches. »

À ce nouveau coup, Béhanzigue n’y tint plus, et, une seconde fois, ôtant sa redingote : « Tiens, dit-il, reprends-la, je t’en prie. Tu es un bon zig, c’est possible ; mais tu l’es trop. Ça finirait par me peser sur le bide. »

C’est ainsi que Béhanzigue acheva la noce en bras de chemise, cependant que l’ébéniste et le marchand de vin promenaient chacun, à travers le bal, une redingote de rechange Il faisait chaud.

BÉHANZIGUE SAUVETEUR