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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/78

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la pensée traversa son cerveau que peut-être sa femme se sacrifiait pour son bien-être. Mais il ne s’y arrêta point.

Notre sage fréna un peu pour tourner rue de Turenne, et, au même moment, vit passer, dans la direction, la taxi-auto de son ami Barbe. Il la reconnut d’un coup d’œil, hélas ! et sa femme dedans, à côté de Barbe, qu’elle tenait discrètement par la taille. Son sang ne fit qu’un tour. (On ne s’explique du reste pas très bien comment il en aurait fait plusieurs.)

L’honorable M. Honoré Beaubu, aujourd’hui député des Hautes-Landes, au chapitre VIII de ses Mémoires, qu’il a bien voulu nous communiquer, explique en ces termes élégants et précis quelle devint à ce spectacle ce qu’il appelle sa « mentalité » :

« Grâce, dit-il, à la double polarisation de mes influx nerveux, l’impulsivité, se substituant tout à coup à la volition logique, je me jetai à la poursuite de l’auto-place. »

À vrai dire, c’est l’autobus plutôt que lui-même qu’il jeta, parfaitement oublieux de sa clientèle, sur la trace des coupables. Ceux-ci, de leur côté, l’avaient reconnu. Maudissant l’imprudence qu’il avait commise en empruntant aux Carnavalet-Buttes-Chaumont une partie de leur parcours, Barbe mit sa voiture à une jolie quatrième vitesse et se lança comme un bolide à travers la rue de Turenne. L’autobus suivait à toute allure ; les voyageurs, inquiets, penchaient, la tête au dehors et la retiraient avec épouvante. Un cheval de fiacre, qui ne prit pas la même précaution, en fut violemment heurté aux naseaux et se mit de douleur à ruer frénétiquement, comme