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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/79

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une rosse de corrida que le taureau vient d’éventrer.

Jusqu’à la place de la République, tout alla à peu près bien ; et, d’ailleurs, l’autobus suivait son itinéraire. Mais Barbe ayant pris un virage savant autour de la statue et tourné à gauche, Beaubu, abandonnant les Buttes-Chaumont à leur verte solitude, suivit. Il eût été bien en peine, au demeurant, de dire pourquoi, ou ce qu’il comptait faire en cas qu’il gagnât son ennemi de vitesse. Mais quoi, il suivait l’homme qui lui avait pris sa femme, et son instinct, pour l’heure, ne lui en disait pas plus long.

Soutenir que cette explication eût satisfait les clients de l’autobus, non, sans doute. Aussi bien ne la leur donnait-on pas : c’était sans leur avis ni leur aveu que se courait la course, l’auto-place tenant toujours la tête sans effort apparent, et les « doigts dans le nez », comme on disait au temps des « boukmècres ». La pointe Saint-Eustache fut doublée comme en rêve, et Barbe, par la rue Baltard, s’engouffra dans les Halles, suivi de Beaubu et d’une trentaine de voyageurs qui poussaient des clameurs diverses : peut-être se croyaient-ils à une répétition générale.

Dans la rue du Pont-Neuf, Barbe écrasa la patte d’un petit chien. Ce pauvre animal traînait au bout d’une laisse, derrière lui, une vieille demoiselle, qui fut coupée par le milieu, mais par Beaubu. Quand on la releva, sous les espèces de deux tronçons, la vieille demoiselle n’était plus qu’un double cadavre.

Dans la rue de Rivoli, il ne se passa rien. Mais Barbe ayant