Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/88

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M. Desrocher sommeillait sur un volume de Taine. Sa femme entra :

Nous allons en ville, ville, dit-elle, Anna et moi, pour faire quel ques courses. Nous passerons prendre son mari au Palijs, et puis nous reviendrons par le tramway.

— Vous ne prenezprenez pas la voiture, alors ?

— Non, interrompit Anna qui entrait, nous marcherons. Vois maman, est-ce qu’on ne dirait pas une jeune mariée ? À cet âge-là, on n’a pas besoin de voiture.

Et ils se sourirent tous trois, l’air heureux, tandis que le vieillard contemplait sa femme. Nul n’aurait dit vraiment qu’elle avait dépassé la cinquantaine. Des rides aux tempes et à la bouche, quelque corpulence, un peu de neige aux cheveux ; c’est tout ce que le temps avait imposé à la belle Madame Desrocher, une des gloires jadis de l’administration impériale d’Algérie. Mais il n’avait rien changé au tendre regard, à la rigidité du port, à tout ce qui, chez elle, marquait l’orgueil d’une vertu, d’une beauté et d’un rang bien gardés.