Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/89

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— Tu surveilleras un peu Jeanne, dis, papa. Elle est avec la bonne, dans le jardin.

Et elles sortirent toutes deux en étouffant le bruit des portes. Le silence, de nouveau, enveloppait la villa. À peine, par moments, on entendait les cris de la petite Jeanne, qui jouait en bas avec sa chienne et sa bonne.

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M. Desrocher se reprit à sommeiller ; mais il fut soudain arraché à sa sieste par une clameur plus forte de l’enfant mêlée à des aboiements de la chienne. Une inquiétude le prit, et il passa dans la chambre à coucher de sa femme, dont les fenêtres donnaient sur le jardin.

Il regarda, c’était une fausse alerte. Sous les yeux bienveillants de la bonne, Jeanne et la bête se roulaient ensemble sur le maigre gazon.

Le soir approchait et le soleil ne bronzait plus qu’à leur faîte les cèdres du jardinet. Un rayon pénétrait dans la chambre et se brisait sur le biseautage d’un miroir, éclaboussant à travers la salle ici un portrait, là une coupe.

Le vieillard quitta la fenêtre. Cette heure mélancolique le poussait aux souvenirs. Il éprouva quelque attendrissement à contempler les mille objets féminins de la chambre, dont chacun réveillait une date dans son cœur, et ces meubles surannés dont la jeunesse avait concordé avec la sienne.

Il y avait plus de trente ans qu’il les avait achetés à Paris,