Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/130

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dans son jardin. Oui, il a fait des funérailles à une chienne, car c’était une chienne ; il a fait mettre une inscription sur une pierre.

― Alexis Grigorievitch, remarquai-je, ne fait injure à personne, lui.

― Eh ! c’est toujours ainsi. Ce sont toujours ceux qui naviguent en rivière qui accrochent le bateau des autres.

― Et qu’était-ce que Bauch, que vous avez nommé ? demandai-je après un silence.

― Vous avez entendu parler de Milovidka et vous ne connaissez pas Bauch ? C’est singulier ; c’était le premier veneur de votre grand-père, qui avait pour lui autant d’affection que pour son chien. Bauch était un homme redoutable. Quelque ordre que lui eût donné votre grand-père, fût-ce de marcher sur le tranchant d’une lame, Bauch l’aurait fait sans hésiter. Comme il hurlait l’hallali ! On eût cru entendre crier la forêt, et il se tenait droit comme un pieu sur son cheval. Mais parfois, pris d’un caprice, il mettait pied à terre et se couchait ; les chiens n’entendant plus sa voix, c’était fini. Ils abandonnaient la piste, et n’avançaient plus pour rien au monde. Votre grand-père se fâchait : « Que la foudre m’écrase si je ne pends ce vaurien ! Je le retournerai à l’envers et lui ferai