Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/140

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vancement. Se prend-il donc pour un noble ? Et puis, un noble même n’est pas général tout de suite. Maintenant, c’est un oisif. Ce ne serait encore qu’un demi-mal, mais il s’emploie à redresser les torts ; il rédige des suppliques pour les moujiks, il écrit des rapports, il style les centeniers, il dénonce les injustices des arpenteurs, il court les cabarets, il fait des connaissances parmi les metchanines et les dvorniks. Ça ne peut manquer de finir mal ; le stanovoï et les ispravniks[1] lui ont donné plus d’un avertissement. Ce qui le sauve c’est qu’il est hâbleur ; il les fait rire, puis leur joue encore un tour… Eh bien ! femme, il est là, n’est-ce pas ? Je te connais, tu as pitié de lui, tu le protèges…

Tatiana Illiinichna baissa la tête, sourit et rougit.

— C’est cela, continua Ovsianikov. Ah ! quelle maman gâteau, tu es ! Eh bien ! fais-le entrer. En l’honneur de notre hôte, je pardonne ; appelle-le.

Tatiana Illiinichna s’approcha de la porte et cria : « Mitia ! »

Mitia était un jeune homme de vingt-huit ans, grand, élancé, les cheveux frisés. En m’apercevant il s’arrêta sur le seuil. Il était vêtu à

  1. Les autorités de police.