Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/219

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dîmes au comptoir, haute izba isolée que les marchands avaient fait bâcler à coups de hache sur un petit ravin endigué. Je trouvai deux jeunes commis aux dents très blanches, aux yeux très doux, qui parlaient trop et souriaient faux. Je fis marché pour un essieu, puis visitai la coupe. Je pensais que Kassian resterait dans sa telega, mais il nous rejoignit :

— Tu vas tuer les oiseaux ? me dit-il.

— Oui, si j’en trouve.

— Je t’accompagnerai… On peut ?

— On peut, on peut.

Nous partîmes. La coupe occupant environ une verste carrée, je m’occupai de Kassian plus que de mon chien. Son surnom de Blokha était bien justifié. Sa tête nue, — la masse énorme de ses cheveux ébouriffés le dispensait certes de toute autre coiffure — se montrait çà et là entre les arbustes. Il marchait agilement et semblait sauter. À chaque instant il se baissait et ramassait des simples qu’il mettait dans sa poitrine en marmottant je ne sais quoi ; puis il nous regardait, mon chien et moi, avec un étrange regard. Dans les arbustes bas, sur la coupe se trouvent souvent de petits oiseaux gris qui s’élancent d’un arbre à l’autre en sifflant et en plongeant, Kassian les agaçait, criait avec eux ;