Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/235

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genêts. En atteignant sa cour, Kassian se retourna vers moi.

— Bârine, bârine, j’ai des torts envers toi, c’est moi qui ai ensorcelé tout le gibier !

— Comment cela ?

— C’est mon secret. Tu as là un chien bon et bien dressé, et pourtant il ne t’a guère servi. Et quand on pense que les hommes, hein ! les hommes ont fait cela de ce chien.

J’eusse vainement cherché à convaincre Kassian qu’on n’ensorcelle pas le gibier. Je m’abstins de répondre, et d’ailleurs, à ce moment, nous passions sous la porte cochère.

Annouchka n’était pas dans l’izba, elle était arrivée avant nous et avait laissé là son panier de champignons. Yerofeï ajusta le nouvel essieu après l’avoir soumis à un examen sévère. Une heure après seulement je pus partir après avoir eu quelque peine à faire accepter à Kassian un peu d’argent. Sur mon instance, il réfléchit, prit la monnaie dans sa main et la glissa dans son sein. Jusqu’à notre départ, il ne prononça pas dix mots ; il restait adossé contre la porte, tout à fait désintéressé des murmures et des reproches de mon cocher, et il répondit très froidement à mes adieux.

À peine hors de la cour, je m’aperçus que