Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/237

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homme étrange ! il n’a pas son pareil. Par exemple, il est comme ce cheval là, qui ne veut plus rien faire. C’est vrai que Blokha, de quel travail serait-il capable. On ne sait où l’âme se tient, mais, quand même, il est ainsi depuis l’enfance ! D’abord il s’était mis avec ses oncles les voituriers. Ils avaient des troïkas, puis il s’en est lassé. Il est si agité ! une vraie puce ! Il appartenait, pour son bonheur, à un bon bârine qui le laissa libre, et il en profita pour courir comme une chèvre sans gîte. Dieu sait ! Et tantôt il est muet comme un morceau de bois, et tantôt il se met à parler, et ce qu’il dit, Dieu sait ! Est-ce que c’est une vie, une manière ? Non, ce n’est pas une manière. C’est un homme sans esprit. Pourtant il chante bien, assez bien.

— Est-ce qu’il guérit ?

— Comment, guérir ? lui ! Ce n’est pas un homme à cela. Il ne pourrait pas. C’est vrai qu’il m’a guéri de la scrofule… mais, ajouta Yerofeï après un silence, ce n’en est pas moins un homme stupide, vrai…

— Il y a longtemps que tu le connais ?

— Oui, nous étions voisins sur le Sitchofka à la Krassivaïa-Metcha.

— La petite Annouchka que nous avons rencontrée est-elle sa parente ?