Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/238

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Yerofeï me regarda par-dessus l’épaule et bâilla de rire.

— Eh ! eh ! parente ! une orpheline, elle n’a pas de mère, et même on ne sait pas qui a été sa mère… mais elle doit bien être à Blokha, car elle lui ressemble terriblement. Elle vit chez lui. Une fine fillette, il n’y a pas à dire, une bonne petite. Il l’adore, et, le croiriez-vous, il lui apprend à lire… On peut s’attendre qu’il réussisse. C’est un homme si extraordinaire, si incompréhensible. Hé ! hé ! cria-t-il tout à coup en arrêtant et en humant l’air, je crois que ça sent le brûlé. Oui, justement… Ah ! les essieux neufs !… et pourtant je l’ai graissé… Je vais prendre de l’eau, voilà une mare.

Il descendit lentement, détacha le petit seau, puisa de l’eau, et prit plaisir à écouter le sifflement du moyeu de la roue qui s’éteignait…

Six fois, en dix verstes, il dut arroser ainsi l’essieu qui se calcinait, et nous n’atteignîmes la maison qu’à la nuit tombante.