Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/242

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livrée bleue à boutons blasonnés, vient vous tirer vos bottes obséquieusement, vous pensez que si, au lieu de cette silhouette correcte et maigre, s’offraient à vos yeux les larges pommettes, le nez incroyablement épaté d’un vigoureux gars récemment tiré de sa charrue et déjà parvenu à faire craquer en plusieurs endroits les coutures de son cafetan de nankin neuf, vous vous réjouiriez fort, fût-ce au risque de voir votre botte se déchirer jusqu’à la cheville sous la rude main du drôle.

Malgré mon peu de sympathie pour Arkadi Pavlitch, il m’arriva de passer une nuit chez lui. Le lendemain, de bonne heure, je fis atteler ma voiture : mais il ne voulut pas me laisser partir avant le déjeuner à l’anglaise et m’entraîna vers son cabinet. On nous servit, avec le thé, des côtelettes, des œufs, du beurre, du miel, du fromage, etc. Deux silencieux valets, gantés de blanc, prévenaient prestement nos moindres désirs. Nous étions assis sur un divan de Perse. Arkadi Pavlitch portait de larges culottes de soie, une veste en velours noir, un fez élégant à gland bleu et des pantoufles jaunes à la chinoise. Il prit du thé, rit, contempla ses ongles, fuma, pelotonna un coussin sous lui et se montra fort gai. Après avoir bien mangé et avec un