Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/283

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— Laissez-les hurler, dit froidement Koupria en faisant de la main un geste d’insouciance, peu m’importe ; mais qu’ils ne me touchent pas. Je suis chauffeur…

— Chauffeur ! chauffeur ! répéta la foule.

— La bârinia, reprit Koupria, l’a ordonné. Bien, mais vous, elle vous enverra garder les pourceaux, et ce sera bien fait. Que je sois tailleur et bon tailleur, que j’aie appris mon état chez les meilleurs tailleurs de Moscou ; que j’aie travaillé pour des généraux, c’est ce qu’on ne m’ôtera pas. Et vous, qu’avez-vous à faire les braves ?… Quoi ! Vous êtes des fainéants et voilà tout, qu’on me remette en liberté, je ne mourrai pas de faim, moi. Qu’on me donne un passeport, je payerai ma redevance et le seigneur sera content, tandis que vous… vous mourriez comme des mouches… comme des mouches.

— En a-t-il, de la blague ! dit un garçon grêle aux cheveux blonds, presque blancs, aux coudes percés, le cou décoré d’une cravate rouge. Tu as déjà été libre sur passeport et les maîtres n’ont pas eu un kopek de toi, et tu n’as pas mis un groch de côté pour toi ! Et tu n’as jamais eu d’autre cafetan que celui-ci.

— Que faire, Konstantin Narkisitch ? répondit Koupria. Un homme s’amourache, il est