Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/311

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d’un modèle envoyé de la capitale, et, en effet, les babas de ses terres portent le kakochnik au dessus de la kitchka[1].

Mais revenons à Viatcheslav Ilarionovitch. C’est un redoutable amateur du beau sexe. À peine aperçoit-il sur le boulevard du chef-lieu une jolie personne, il la suit, mais presque aussitôt il se met à boiter, circonstance très particulière. Il aime les cartes, mais il ne joue qu’avec des gens de condition inférieure, qui lui disent : « Votre Excellence » et qu’il gronde à cœur joie. Mais s’il lui arrive de faire la partie du gouverneur ou de quelque haut fonctionnaire, une prodigieuse métamorphose s’opère en lui. Il sourit, hoche la tête, regarde son partenaire dans les yeux, en un mot il sent le miel. Il perd même sans se plaindre.

Il lit peu : quand il lit, ses sourcils et ses moustaches se relèvent continuellement comme si des vagues déferlaient sur son visage. On a observé que ce mouvement se produit surtout quand il parcourt devant ses visiteurs, bien entendu, le Journal des Débats.

À l’époque des élections il joue un rôle assez considérable, mais il refuse obstinément la fonc-

  1. Coiffure de femme, foulard noué sur le devant de la tête.