Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/321

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— Dites-moi, commençai-je, Mardari Apollonitch, ces izbas sur la route, derrière le ravin, sont-elles à vous ?

— À moi ?… et pourquoi ?

— Comment donc ? C’est péché : vous avez donné là à vos moujiks des cases étroites et pas un arbre autour, pas de terrain à cultiver, un seul puits et il ne vaut rien. N’auriez-vous pas pu trouver un autre emplacement ? On a même enlevé à ces malheureux leurs anciennes chènevières.

— Et que voulez-vous qu’on fasse avec le cadastre ? me répondit Mardari Apollonitch. Ah ! ce cadastre ! je l’ai là ! (Il montra de la main la nuque.) Je ne présage rien de bon, moi, de ce fameux cadastre. Si je leur ai ôté des chènevières, si je ne leur ai pas donné du terrain, cela, batiouchka, me regarde. Je suis un homme simple, et j’agis comme au vieux temps. Pour moi le maître est le maître, et le moujik est le moujik, voilà !

À des arguments si clairs il n’y avait rien à répondre.

— Et puis, reprit-il, ces moujiks sont mauvais et en disgrâce. Il y a là deux familles surtout que feu mon père — Dieu lui donne le paradis, — ne pouvait souffrir, et moi, voyez-vous, j’ai observé que si le père a volé, le fils vo-