Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/48

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cher le poisson au printemps, pour attraper les écrevisses avec ses mains, flairer le gibier, attirer la caille, tromper l’autour, prendre les rossignols au moyen d’une imitation remarquable des plus joyeux de leurs trilles. Cependant une chose lui manquait : le talent de dresser les chiens ; il manquait de patience.

Il avait une femme, et la voyait une fois par semaine. Elle vivait dans une petite izba à moitié démolie, et ne savait jamais la veille si elle aurait de quoi manger le lendemain ; en somme elle était très malheureuse.

Ermolaï, cet homme insouciant et bon, la traitait durement et grossièrement ; il prenait, en entrant dans la maison, un air morose, menaçant, et la pauvre, ne sachant comment lui complaire, tremblait sous son regard, courait employer jusqu’à son dernier kopek pour lui acheter un peu de vodka, et lorsqu’il montait avec dignité sur le poêle, où il s’endormait d’un sommeil profond, elle le couvrait soigneusement de sa touloupe. Il m’est arrivé à moi-même plus d’une fois de remarquer en lui des mouvements involontaires d’humeur farouche ; je n’aimais pas l’expression que prenait son visage quand il mordait l’oiseau abattu. Mais Ermolaï ne passait jamais plus d’une journée