Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/47

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toutes les mésaventures ; il passait ses nuits dans des marais, sur des arbres, sur des toits, sous des ponts ; plus d’une fois on l’avait enfermé dans des greniers, des caves et des remises ; il avait été privé de son fusil et de ses habillements les plus indispensables ; on l’avait battu, roué de coups. Et, malgré tout, il revenait toujours avec son fusil, ses habits et son chien. On ne pouvait dire qu’il fût gai, et pourtant il était d’une bonne humeur constante. En général, on le prenait pour un fou. Il aimait à trinquer avec d’honnêtes camarades de bouchons, mais sans s’attarder, il se levait et s’en allait.

― Où diable vas-tu ? Il fait nuit noire.

― Mais à Tchaplino !

― Quel besoin de te traîner à cette heure à Tchaplino, à dix bonnes verstes ?

― Je vais coucher chez le moujik Sofron.

― Mais dors donc ici.

― Non, je ne puis pas.

Et voilà ! Ermolaï et Valetka s’en vont, par une nuit sombre, à travers les taillis et les flaques d’eau, au risque de ne pas trouver asile chez le moujik Sofron, et même de recevoir des coups de poings : « Est-ce une heure pour déranger les honnêtes gens ! »

En revanche, Ermolaï était unique pour pê-