Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/50

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d’un œil soupçonneux tous les points du rivage ; les hérons se profilent dans l’ombre des anfractuosités de la rive haute.

Nous fûmes au plus une heure en tiaga, et nous tuâmes chacun une paire de bécasses. Comme notre projet était de tenter encore une fois la fortune avant le lever du soleil (on peut aller aussi à la tiaga le matin), nous résolûmes d’aller prendre notre sommeil au moulin, à peu de distance. Nous sortîmes du bois et descendîmes de la colline. La rivière roulait ses flots bleu sombre ; l’air était épais et lourd. Nous frappâmes à la porte cochère ; les chiens aboyèrent dans la cour.

― Qui est là ? crie une voix enrouée et endormie.

― Des chasseurs qui voudraient passer la nuit.

Pas de réponse.

― Nous payerons !

― Je vais demander au patron… Chut ! maudits ! que le diable vous fasse taire, dit-il aux chiens. Et nous entendîmes le domestique entrer dans l’izba, puis bientôt se rapprocher de la porte cochère :

― Non ! nous cria-t-il, non ! le maître défend d’ouvrir.