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― Quel Zverkov ?

― Alexandre Silitch.

― N’étais-tu pas la femme de chambre de sa femme ?

― Oui, comment savez-vous cela ?

Je regardai Arina avec une curiosité plus vive.

― Je connais ton ancien maître.

― Vous… le connaissez ? répondit-elle à mi-voix et en baissant les yeux.

Il faut bien à présent que je dise à mon lecteur pourquoi je regardais Arina avec un si grand intérêt.

Du temps que j’étais à Pétersbourg, un hasard fit que j’eus quelques relations avec M. Zverkov. Il occupait un emploi assez considérable, passait pour un homme habile et rompu aux affaires. Il avait une femme bouffie, sentimentale, pleurnicheuse et méchante, une créature très ordinaire, très grossière. Ils avaient un fils, un vrai petit bârine capricieux et sot. Les dehors de M. Zverkov lui-même disposaient peu en sa faveur. Une figure large, presque carrée, percée de deux petits yeux de souris, un nez long, affilé, terminé par deux larges narines, une chevelure grise coupée ras et faisant brosse sur un front plissé ; des lèvres minces et mo-