Après le déjeuner, composé d’œufs durs, de petites sardines et d’un hachis de viande et d’oignons (le kazatchok offrait la moutarde dans un vieux pot à pommade, et le vinaigre dans un flacon à eau de Cologne), Néjdanof monta dans un tarantass, le même qui l’avait amené la veille ; mais, au lieu d’une « troïka », il n’y avait plus que deux chevaux ; le troisième boitait ; on l’avait blessé en le ferrant. Pendant ce repas, Markelof était resté presque muet, mangeant peu et respirant avec effort… Il lâcha deux ou trois paroles amères à propos de son domaine, et fit de nouveau un geste de renoncement et de fatigue…
« En tout cas, il faudra tout refaire après ! »
Machourina pria Néjdanof de la conduire jusqu’à la ville, où elle voulait faire quelques achats :
« Quant au retour, dit-elle, je trouverai bien une place dans une télègue ; du reste, rien ne m’empêche de revenir à pied. »
En les accompagnant jusqu’au perron, Markelof rappela à Néjdanof qu’il irait bientôt le voir, et qu’alors… (cette idée le ragaillardit subitement), alors, on prendrait les arrangements définitifs ; il ajouta qu’à cette époque, Solomine arriverait aussi ; que lui, Markelof, attendait seulement un mot de Vassili Nicolaïevitch ; et qu’alors il ne resterait plus qu’une chose à faire… « agir » immédiatement, car la patience du peuple était à bout !
La patience du peuple, du même peuple qui ne comprenait pas les mots « prendre part » !
« À propos, dit Néjdanof, —et ces lettres que vous vouliez me montrer ? Les lettres de… comment l’appelez-vous ?… Kisliakof ?
— Plus tard, plus tard, répondit vivement Markelof. Nous verrons tout ça en même temps. »
Le tarantass s’ébranla.
« Soyez prêts ! » cria une dernière fois la voix de Markelof.
Il était debout sur le perron, et, près de lui, — avec