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De Kisliakof, Markelof passa aux soldats, aux aides de camp, aux Allemands qui servent en Russie, et même à ses articles sur l’artillerie.

Néjdanof parla de l’antagonisme qui existait entre Heine et Bœrne, de Proudhon, du réalisme dans l’art.

Quant à Solomine, il écoutait attentivement, fumait son cigare ; et sans cesser de sourire, sans avoir dit un seul mot saillant, il avait l’air de comprendre mieux que les autres où était la vérité.

Quatre heures sonnèrent… Néjdanof et Markelof, épuisés, se tenaient à peine debout, et Solomine était encore tout gaillard. Les amis se séparèrent après être convenus de partir le lendemain matin pour la ville, et d’aller voir le marchand Golouchkine, —le vieux croyant, — pour faire de la propagande. Golouchkine, personnellement, était plein d’ardeur, et il avait promis des prosélytes ! Solomine commença par exprimer un doute :

« Était-ce bien la peine d’aller voir Golouchkine ? » puis il finit par dire : « Pourquoi pas ? »


XVII


Les hôtes de Markelof dormaient encore lorsqu’il reçut par un exprès une lettre de sa sœur, Mme Sipiaguine.

Valentine lui parlait, dans cette lettre, de quelques affaires insignifiantes, le priait de lui renvoyer un livre qu’elle lui avait prêté, et à propos de rien, en post-scriptum, lui faisait part d’une « plaisante » nouvelle : son ancienne passion, Marianne, s’était amourachée du précepteur Néjdanof, et réciproquement ; et ce n’était pas