Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/179

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il se faisait tard, tout le monde se leva. Chacun prit son chapeau, et sortit.

Quand ils furent dans la rue, ils eurent tous un peu de vertige, Pakline surtout.

« Eh bien, où allons-nous à présent ? dit-il avec quelque difficulté.

— Je ne sais pas où vous allez, vous, répondit Solomine, mais moi je retourne chez moi.

— À la fabrique ?

— À la fabrique.

— À cette heure-ci ? De nuit et à pied ?

— Pourquoi pas ? Il n’y a ni voleurs ni loups, par ici, et la marche me fait du bien… Et puis, pendant la nuit, il fait frais.

— Mais c’est à quatre verstes !

— Eh bien, quand même il y en aurait cinq ! Au revoir, messieurs ! »

Solomine boutonna sa redingote, enfonça sa casquette sur sa tête, alluma un cigare et partit à grands pas.

« Et toi, où vas-tu ? demanda Pakline à Néjdanof.

— Chez lui. »

Il montra du doigt Markelof qui se tenait debout, immobile, les bras croisés sur sa poitrine.

« Nous avons des chevaux et un équipage.

— Ah ! très-bien… Et moi, camarade, je vais à l’oasis, chez Fomouchka et Fimouchka. À présent, camarade, veux-tu que je te dise mon opinion ? La maison de là-bas et celle d’ici sont deux maisons de fous… Seulement, dans celle du dix-huitième siècle, on est plus près de la vie russe que dans celle du vingtième. —Bonsoir, messieurs ; je suis gris… ne faites pas attention. —Écoutez encore ceci. Il n’y a pas sur la terre une seule femme meilleure que ma sœur… Snandoulie. Eh bien, ma sœur est bossue —et elle s’appelle Snandoulie ! Et c’est toujours comme ça sur la terre ! Du reste, elle a raison de s’appeler ainsi. Voulez-vous savoir