mât… Golouchkine, Vassia le commis, Fomouchka, Fimouchka tourbillonnaient devant lui ; l’image lointaine de Marianne, défiante pour ainsi dire, semblait craindre de s’approcher. Tout ce que lui-même avait fait et dit lui paraissait mensonge et fausseté, absurdité inutile et écœurante, et ce qu’il eût fallu faire, le but vers lequel on devait tendre, était caché dans quelque endroit inconnu, inaccessible, sous une triple serrure, enfoui au fond même de la terre… Et il éprouvait un désir incessant de se lever, d’aller à Markelof, de lui dire : « Prends ton présent, reprends-le ! »
« Pouah ! quelle chose dégoûtante que la vie ! » s’écria-t-il à la fin.
Le lendemain il partit de bonne heure. Markelof était déjà sur le perron, entouré de paysans… Les avait-il convoqués ou étaient-ils venus d’eux-mêmes ? Néjdanof n’en put rien savoir. Markelof lui dit adieu d’une façon sèche et laconique… Cependant il avait l’air d’avoir quelque chose de très-grave à communiquer à ses paysans. Et le vieux domestique se tenait toujours là avec son éternel regard morne.
Le tarantass dépassa rapidement la ville, et, quand il eut atteint les champs, il roula bon train. Les chevaux étaient ceux de la veille, mais le cocher, soit parce que Néjdanof vivait dans une maison riche, soit pour toute autre raison, comptait sur un bon « pourboire », et chacun sait que, lorsque le cocher a bien bu ou qu’il espère bien boire, les chevaux vont comme le vent.
La journée, quoique un peu fraîche, était une vraie journée de juin. Des nuages rapides et hauts traversent le ciel bleu ; le vent égal et fort ne soulève aucune poussière sur le chemin raffermi par la pluie de la veille ; les saules tout bruyants ondulent et brillent, tout se meut, tout s’élance ; le cri de la caille, parti des collines lointaines, arrive par-dessus les ravins verts en notes claires et liquides qui semblent elles-mêmes avoir des ailes et venir en volant ; les corbeaux reluisent au soleil,