« Qu’est-ce que ça veut dire ? pensait-elle. C’est un plébéien, un vrai plébéien, et pourtant comme il a une tenue simple ! »
En effet, Solomine se tenait très-simplement, non pas comme les gens qui, tout en s’efforçant de paraître naturels, désirent qu’on le remarque, mais comme un homme dont les pensées et les sentiments sont très-peu compliqués, mais forts.
Mme Sipiaguine voulut entamer une conversation, mais, à sa grande surprise, elle eut de la peine à trouver quelque chose à dire :
« Ah ! ça, pensa-t-elle, est-ce que cet ouvrier de fabrique m’imposerait ?
— Mon mari, commença-t-elle enfin, vous doit beaucoup de reconnaissance pour le temps précieux que vous voulez bien lui sacrifier…
— Il n’est pas très-précieux, madame, répondit-il, et puis je ne suis venu ici que pour un moment.
— « Voilà où l’ours a montré sa patte », pensa-t-elle en français.
En ce moment, son mari réapparut sur le seuil de la porte restée ouverte, un chapeau sur la tête, un stick à la main. Se tournant à demi, il dit d’un air détaché :
« Vassili Fédocéïtch, je suis à vos ordres. »
Solomine se leva, salua la dame, et suivit Sipiaguine.
« Par ici, suivez-moi, par ici, — répétait Sipiaguine, comme s’ils se fussent trouvés dans une forêt vierge, et que Solomine eût eu besoin d’un guide. — Faites attention, il y a des marches, Vassili Fédocéïtch !
— Puisque vous voulez bien m’appeler par mes prénoms, dit Solomine sans se presser, je ne suis pas Fédocéïtch, — mais Fédotytch. »
Sipiaguine le regarda par-dessus l’épaule, avec une sorte d’effroi.
« Ah ! je vous demande pardon, Vassili Fédotytch !
— Oh ! ça ne fait rien du tout. »