Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/206

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d’un air bon enfant, comme à une vieille connaissance, puis tendit vers lui sa petite main, la paume en dessus, le coude serré contre le corps, la tête un peu penchée du côté de cette main, comme si elle demandait une petite aumône.

Solomine laissa au mari et à la femme le temps de terminer leurs petites façons, serra la main à tous les deux, et s’assit dès la première invitation.

Sipiaguine lui demanda alors avec sollicitude s’il ne voulait rien prendre. Mais le jeune homme répondit qu’il n’avait besoin de rien, qu’il n’était nullement fatigué du voyage, et qu’il se mettait entièrement à sa disposition.

« Alors, on pourrait donc vous prier de bien vouloir visiter la fabrique ? demanda Sipiaguine, de l’air de quelqu’un qui avait peur d’être indiscret et qui n’osait pas croire à une telle complaisance de la part de son hôte.

— Tout de suite, si vous voulez, répondit Solomine.

— Ah ! que vous êtes obligeant ! Voulez-vous qu’on attelle un drochki ? Vous préférez peut-être aller à pied ?

— Mais votre fabrique, je suppose, n’est pas loin d’ici ?

— Une demi-verste, tout au plus.

— Alors, à quoi bon faire atteler ?

— Allons, très-bien. Mon chapeau, ma canne, vite ! Et toi, ma petite ménagère, mets-toi en mouvement. Mon chapeau ! »

Sipiaguine s’agitait beaucoup plus que son hôte. Il répéta encore une fois : « Eh bien ! ce chapeau ? » et lui, un grand dignitaire ! il bondit dehors comme un écolier turbulent.

Pendant que son mari avait causé avec Solomine, Mme Sipiaguine avait regardé à la dérobée, mais attentivement, « ce nouveau jeune ».

Assis tranquillement dans un fauteuil, les deux mains nues posées sur ses genoux (il n’avait décidément pas mis ses gants), Solomine considérait tranquillement, mais avec curiosité, les meubles, les tableaux.

«