Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/234

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vous, de votre avenir ! Voyons, sérieusement, est-ce un parti pour vous ?

— Je vous confesse que je ne pensais pas à un parti, comme vous dites.

— Comment ? Quoi ? Comment dois-je vous comprendre ? Vous avez suivi l’impulsion de votre cœur, admettons-le… Mais naturellement cela doit se terminer par un mariage.

— Je n’en sais rien… Je n’ai pas pensé à cela.

— Vous n’avez pas pensé ! Mais vous perdez l’esprit ! »

Marianne se détourna légèrement.

« Coupons court à cet entretien, madame. Il ne peut aboutir à rien du tout. Nous ne pouvons pas nous comprendre. »

Valentine se leva brusquement.

« Je ne peux pas, je ne dois pas couper court à cet entretien ! Il est trop grave… Je réponds de vous devant… » Valentine voulait dire : « Devant Dieu ! » Mais elle hésita et dit : « Devant le monde entier ! » Je ne peux pas me taire lorsque j’entends de pareilles extravagances ! Et pourquoi donc ne pourrais-je pas vous comprendre ? Que signifie cet insupportable orgueil chez tous ces jeunes gens ? Non… je vous comprends fort bien ; je comprends que vous vous nourrissez de ces nouvelles idées, qui vous conduiront infailliblement à votre perte ! Mais il sera trop tard, alors !

— Peut-être ; mais, croyez-le bien : quand même nous devrions périr, nous ne tendrons pas le bout du doigt pour que vous nous sauviez ! »

Valentine frappa dans ses mains.

« Encore cet orgueil, cet effroyable orgueil ! Mais voyons, Marianne, écoutez-moi, » ajouta-t-elle en changeant soudainement de ton… —Elle voulut attirer Marianne à elle, mais celle-ci recula. —« Écoutez-moi, je vous en conjure ! Après tout, je ne suis ni si vieille, ni si bête qu’on ne puisse s’entendre avec moi ! Je ne suis pas une encroûtée ! Quand j’étais jeune, on m’a regardée