non pas une veste d’ouvrier, ou même un simple « armiak » de paysan ?
— Justement… » commença Néjdanof, qui, dans son costume, avait en effet l’air d’un petit boutiquier ; — il le sentait d’ailleurs, et au fond de son âme, il était vexé, troublé ; tellement troublé qu’il promenait machinalement sur sa poitrine ses deux mains avec les doigts écartés, comme pour se nettoyer… « Paul m’a assuré qu’en veste ou en armiak, on me reconnaîtrait tout de suite ; tandis que ce costume, dit-il, on jurerait que je l’ai porté toute ma vie ! Ce qui n’est pas flatteur pour mon amour-propre, — soit dit en parenthèse.
— Alors tu veux aller tout de suite… commencer ? lui dit Marianne avec vivacité.
— Oui, je vais essayer, quoique… en y pensant bien…
— Que tu es heureux ! interrompit Marianne.
— Ce Paul est un homme extraordinaire, reprit Néjdanof, il sait tout, il a des yeux qui vous traversent de part en part ; et puis, tout d’un coup, il vous fait un visage comme si tout se passait à côté de lui, sans qu’il y prît garde. Il est très-serviable, et en même temps il a un air gouailleur… Il m’a apporté les brochures de chez Markelof, qu’il connaît, et qu’il appelle familièrement Serge Mikhaïlovitch. Quant à Solomine, il lui est dévoué, il traverserait pour lui l’eau et le feu.
— Et Tatiana aussi, ajouta Marianne. D’où vient donc que les gens lui sont si dévoués ? »
Néjdanof ne répondit pas.
« Quelles brochures Paul t’a-t-il apportées ? reprit Marianne.
— Mais… celles qu’on distribue ordinairement : « L’histoire de quatre frères… » Et puis… Enfin les brochures ordinaires, les plus connues… Du reste, celles-là sont les meilleures. »
Marianne regarda autour d’elle d’un air inquiet.
« Mais que fait donc Tatiana ? Elle avait promis de venir de bon matin…