Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/262

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— Oh ! je vous en… je t’en prie !… Du reste, je voulais te le demander.

— Il est de bien bonne heure ! mais tu veux sans doute t’habituer à ton costume. — Alors, très-bien ! — Seulement il faudra que tu attendes ; mon patron n’est pas encore parti. Il dort.

— Je sortirai plus tard, répondit Néjdanof ; j’irai faire un tour dans les environs, en attendant des instructions plus précises.

— Bien parlé ! Seulement écoute, Alexis… Je t’appelle Alexis tout court, n’est-ce pas ?

— Alexis, fort bien… Lixeï[1] si tu veux, ajouta Néjdanof en riant.

— Non, non, ne salons pas trop le mets ; à quoi bon ? Écoute : un bon accord, dit-on, vaut mieux que de l’argent. Je vois que tu as des brochures ; distribue-les partout où tu voudras, mais dans notre fabrique, halte-là !

— Pourquoi donc ?

— Parce que, d’abord, ce serait dangereux pour toi ; secondement j’ai promis à mon patron que ça n’arriverait pas ici ; en somme la fabrique est à lui. Troisièmement, il y a déjà des choses commencées, chez nous, des écoles, par exemple… et tu pourrais tout gâter. Fais ce que tu voudras, comme tu pourras, à tes risques et périls, je ne m’y oppose pas ; mais ne touche pas à mes ouvriers.

— La prudence est toujours une bonne chose… hein ? » fit Néjdanof avec un ricanement caustique.

Solomine sourit largement comme à son ordinaire.

« Précisément, mon brave Alexis, c’est toujours une bonne chose. Mais qu’est-ce que j’aperçois ? Où sommes-nous ? »

Ces dernières exclamations se rapportaient à Marianne qui, vêtue d’une robe d’indienne à ramages, bien des fois lavée, avec un petit fichu jaune sur les épaules et un

  1. Manière populaire de prononcer le nom d'Alexis.