Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/299

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aviser aux moyens… aux moyens d’écarter tout désagrément. »

Marianne écouta Pakline jusqu’au bout. Elle ne s’épouvanta point ; elle resta même fort calme ; mais, Pakline avait raison, il fallait prendre des mesures quelconques ! Son premier mouvement fut de chercher le regard de Solomine.

Celui-ci non plus n’avait pas l’air troublé ; seulement les muscles de ses lèvres frémissaient imperceptiblement… Il n’avait plus son sourire habituel.

Solomine comprit la signification du regard de Marianne : elle attendait ce qu’il dirait pour agir selon son avis.

« L’affaire, en effet, est assez délicate, commença-t-il ; Néjdanof ne fera pas mal, je crois, de disparaître pour quelque temps. Mais à propos, monsieur Pakline, comment avez-vous appris qu’il est ici ? »

Pakline secoua la main :

« C’est quelqu’un qui l’a rencontré pendant une de ses promenades, un jour qu’il prêchait dans les environs. Cet individu l’a suivi, sans mauvaise intention d’ailleurs ; il est dans nos idées. Mais, permettez-moi de vous le dire, continua-t-il en s’adressant à Marianne, réellement notre ami Néjdanof a été très, très-imprudent !

— Les reproches ne serviraient à rien maintenant, répliqua Solomine. Je regrette que nous ne puissions pas nous concerter avec lui tout de suite ; mais d’ici à demain son malaise sera passé, et la police n’est pas aussi prompte que vous le supposez. Et vous aussi, Marianne, il faudra que vous partiez avec lui.

— Cela va sans dire, répondit Marianne d’une voix sourde, mais ferme.

— Oui, reprit Solomine, il faudra réfléchir, il faudra choisir l’endroit et les moyens…

— Permettez-moi de vous exposer une idée, commença Pakline, une idée qui m’est passée par l’esprit