Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/338

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vres étaient contractées, tout son visage semblait aminci et avait pris une expression sèche, dure, presque impérieuse.

« Amis, dit-il, je viens vous avertir qu’il n’y a pas de temps à perdre. Préparez-vous… voilà le moment de partir. Il faut que vous soyez prêts dans une heure. Il faut que vous alliez vous marier. Nous sommes sans nouvelles de Pakline ; on avait d’abord retenu ses chevaux à Arjanoïé, et puis on les a renvoyés… Il est resté là-bas. Probablement on l’a conduit à la ville. Il ne vous dénoncera pas, cela va sans dire, mais qui sait ? Il est capable d’avoir la langue trop longue. Et puis, on peut reconnaître mes chevaux. Mon cousin est averti. Paul vous accompagnera. Il vous servira aussi de témoin.

— Et vous… et toi ? lui demanda Néjdanof. Tu ne pars donc pas ? Je vois que tu es en costume de voyage, ajouta-t-il en indiquant du regard les grandes bottes de marais que Solomine avait aux pieds.

— Non… non… C’est à cause de la boue.

— Mais si on allait te faire payer pour nous ?

— Je ne crois pas… En tout cas, ce serait mon affaire. Donc, dans une heure. Marianne, Tatiana désire vous voir. Elle a préparé quelque chose pour vous.

— Ah ! oui, justement, je voulais aller la trouver. »

Marianne se dirigea vers la porte.

Sur le visage de Néjdanof se montra tout à coup une expression étrange, mêlée d’effroi et d’angoisse.

« Marianne, tu t’en vas ? » dit-il d’une voix subitement éteinte.

Elle s’arrêta.

« Je serai ici dans une demi-heure. Il me faut peu de temps pour me préparer.

— Oui ; mais viens ici.

— Je veux bien ; pourquoi ?

— Je veux te regarder encore une fois. Il la regarda longuement. — Adieu, adieu, Marianne ! Elle parut surprise. —Tu te demandes ce qui me prend… ce n’est