Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/71

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la ceinture, avec les épaulettes brodées et des carreaux rouges sous les aisselles, regardaient bouche béante ce nouveau fidèle, la face tournée de son côté… Néjdanof aussi les regardait et pensait… à bien des choses.

Après la messe, qui avait duré fort longtemps, car on sait que la prière à Nicolas-Thaumaturge est à peu près la plus longue de toutes celles du rite orthodoxe, tous les officiants, invités par Sipiaguine, se dirigèrent vers la maison seigneuriale ; ils y accomplirent encore quelques cérémonies appropriées à la circonstance, aspergèrent d’eau bénite toutes les chambres, et furent enfin gratifiés d’un copieux déjeuner, pendant lequel la conversation roula sur les sujets ordinaires, fort édifiants certes, mais un peu lourds.

Les maîtres de la maison eux-mêmes, quoique cette heure-là ne fût pas celle de leur déjeuner, prirent part néanmoins, du bout des lèvres, à la collation ; ils firent semblant de boire et de manger.

Sipiaguine daigna même raconter une anecdote fort décente, mais légèrement comique, qui, venant de la part d’un haut dignitaire orné d’un ruban rouge, produisit une impression, on peut le dire, délicieuse. Quant au père Cyprien, cette anecdote éveilla dans son cœur un sentiment d’admiration et de gratitude.

Par réciprocité, et aussi pour montrer qu’il était capable, à l’occasion, de raconter quelque chose d’instructif, le père Cyprien fit part de la conversation qu’il avait eue avec l’archevêque lorsque celui-ci, parcourant son diocèse, avait fait venir chez lui, dans le monastère de la ville, tous les prêtres du district.

« C’est un homme sévère, très-sévère ! assurait le père Cyprien ; il nous interrogea d’abord sur notre paroisse, sur nos revenus, puis il nous fit subir un examen. « Quelle est la fête patronale de ton église ? me demanda-t-il, à moi. — La Transfiguration. — Et le tropaire[1]

  1. Cantique.