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Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/82

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Dans le corridor, il se heurta presque à Marianne. Il essaya de l’éviter ; mais elle l’arrêta d’un brusque mouvement de la main.

« Monsieur Néjdanof, lui dit-elle d’une voix mal assurée, en ce moment, ce que vous pensez de moi ne doit pas m’importer beaucoup ; pourtant je crois… je crois… (elle cherchait un mot)… je crois opportun de vous dire que, ce matin, quand vous m’avez vue dans le bois avec M. Markelof… vous vous êtes probablement demandé, n’est-il pas vrai, pourquoi nous avons eu l’air troublé, et pourquoi nous étions là comme à un rendez-vous ?

— En effet, commença Néjdanof, il m’a paru un peu étrange que… »

Marianne l’interrompit.

« M. Markelof, dit-elle, me faisait une proposition de mariage, et je lui ai dit non. Voilà tout ce que j’avais à vous dire ; là-dessus, je vous souhaite le bonsoir. Et maintenant, pensez de moi ce qu’il vous plaira. »

Elle se retourna brusquement, et traversa le corridor à pas pressés.

Néjdanof, rentré dans sa chambre, s’assit devant la fenêtre, tout songeur. Quelle était cette étrange fille ? Pourquoi cette démarche bizarre ? Pourquoi cet accès de franchise qu’il n’avait pas réclamé ? Était-ce désir de se singulariser, ou amour de la phrase, ou orgueil ? Plus probablement c’était de l’orgueil. Elle ne voulait pas supporter le moindre soupçon. Elle ne voulait pas accepter que l’on portât sur elle un faux jugement. Singulière fille !

Ainsi songeait Néjdanof ; et pendant ce temps, sur la terrasse, on parlait de lui ; il entendait parfaitement toutes les paroles qu’on prononçait.

« Mon nez me dit, affirmait Kalloméïtsef, mon nez me dit que c’est un rouge ! Autrefois, quand j’étais en mission spéciale auprès du général gouverneur de Moscou, avec Ladislas, j’ai eu occasion d’avoir affaire à ces