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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/102

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jeta un regard étrange, rêveur et interrogateur à la fois ; puis, tirant de sa poche, par un brusque mouvement, le volume du Travailleur au repos, il le lui glissa dans la main.

« Qu’est-ce ? demanda-t-elle.

— Lisez là, fit-il d’une voix brève, là où il y a une corne. On y parle de la mort. Je sens que c’est très-bien dit, mais je n’y puis rien comprendre. Je reviendrai et vous m’expliquerez ce que c’est. »

Et Kharlof disparut derrière la porte.

« Ça va mal, ça va mal, » dit ma mère.

Et prenant le volume à l’endroit marqué, elle lut ce qui suit : « La mort est un grand et important travail de la nature. Elle consiste en ceci, que l’esprit, étant beaucoup plus léger, plus subtil et plus pénétrant non-seulement que les éléments de matière auxquels il est soumis, mais même que la force électrique, se nettoie, se purifie d’une façon chimique, et ne cesse de tendre en avant jusqu’à ce qu’il rencontre un endroit également immatériel… »

Ma mère lut ce passage deux ou trois fois et jeta le livre.

Quelques jours plus tard, nous reçûmes la nouvelle que le mari de sa sœur était mort. Elle partit aussitôt m’emmenant avec elle. Bien que ma mère ne se proposât de rester chez sa sœur qu’une semaine ou plus, ce ne fut qu’à la fin de septembre que nous pûmes revenir chez nous.