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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/222

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L’Abandonnée.

de Pouchkine était alors dans toutes les bouches.) Je jetai un coup d’œil sur Fustow, mais il me tournait le dos, et prenait une tasse de thé des mains potelées d’Éléonore Karpowna. Je crus remarquer qu’à l’apparition de la jeune fille un léger souffle de froid avait traversé la chambre… Une vraie statue de marbre ! Telle au moins fut mon impression.

VIII

« Pierre Gavrilovitch ! dit la voix retentissante de M. Ratsch s’adressant à moi, permettez que je vous présente ma… mon… mon numéro un, ha-ha-ha ! Suzanne Ivanowna…

Je m’inclinai en silence, et je pensai aussitôt :

« Ainsi le nom même ne s’accorde pas avec les autres noms. »

Elle se leva un peu, mais sans sourire et sans desserrer ses mains jointes.

« Où en est notre duo ? reprit Ivan Demïanitch. Monsieur Alexandre, mon très-vénéré protecteur, votre cithare est restée ici, et j’ai déjà retiré le basson de sa boîte. Allons-nous charmer les oreilles de notre auditoire ? Eh bien ! est-ce entendu ? cria-t-il de nouveau en voyant que Fustow n’objectait rien. Kolia, marche ! apporte les pupitres. Toi, Olia, vite la cithare ! et des bougies pour les pupitres, ma toute gracieuse, daigne nous en octroyer ! »