pas me demander aujourd’hui de jouer ; je ne me sens pas du tout en train.
— De quoi ? de quoi ? Robert le Diable de Meyerbeer ? s’exclama M. Ratsch en venant vers nous. Quelque chose d’excellent, je parierais ! Meyerbeer est juif, et les juifs, comme les Tchèques, sont tous musiciens nés ! Les juifs surtout ! N’ai-je pas raison, Susanne Ivanowna ? Comment ! Ha-ha-ha ! »
Dans les dernières paroles qu’avait prononcées Ratsch, dans son rire même, autre chose avait percé cette fois-ci que son ton de plaisanterie ordinaire : c’était l’intention de blesser. Tel fut du moins mon sentiment, et ce fut aussi celui de Susanne. Elle tressaillit, rougit, se mordit la lèvre inférieure ; un point clair, une larme, reluisit au bord de sa paupière. Elle se leva brusquement et quitta la chambre.
« Où allez-vous donc, Susanne Ivanowna ? cria Ratsch après elle.
— Laissez-la, Ivan Demïanitch, dit à son tour Éléonore Karpowna : quand elle s’est mise comme cela quelque chose en tête…
— Naturel nerveux ! reprit Ratsch en pirouettant sur ses talons et en tapant sur sa cuisse. Son plexus solaire est attaqué. Pourquoi me regardez-vous ainsi, Pierre Gavrilovitch ? Je me suis occupé aussi d’anatomie. Ha-ha-ha ! je m’entends à traiter un malade. Demandez plutôt à Éléonore Karpowna… Je la guéris de tout, et vivement encore. J’ai un secret pour cela.
— Ah ! vous n’en avez jamais fini avec vos plai-